Les villes intelligentes : d’abord un concept humain

par Sylvain Perras
Directeur, Service des technologies de l’information à la Ville de Montréal

Contrairement à ce que plusieurs véhiculent, le concept de villes intelligentes n’est pas mené par les technologies de l’information mais bien par les humains. L’intelligence dont on parle, c’est d’abord celle des individus et des collectivités, pas des technologies.

Fille de la doctrine politique du gouvernement ouvert, la Ville intelligente s’articule le long de plusieurs axes:

  1. une démocratie plus directe, pour prendre des décisions au niveau local (par exemple, à Paris avec les budgets participatifs) ou encore, pour résoudre des problèmes bien concrets au moyen de divers moyens de consultation (ex: où placer les jeux pour enfants dans un parc).
  2. une plus grande transparence, au moyen de la publication de données ouvertes bien sûr, mais aussi, par exemple, du suivi des activités de lobbyisme et de contrôle de la corruption ou tout simplement des élus (TheyWorkforyou au Royaume-Uni, par exemple).
  3. le citoyen-contributeur aux opérations de la Ville (au moyen de senseurs, en devenant beta-testeur d’applications gouvernementales qui leurs sont destinées, à travers des Fablabs, en développant des logiciels qui leur sont utiles. Voir par exemple TrafficAgent ou City Flag, etc.).

Donc, la Ville intelligente n’est pas l’Internet des objets, une série d’applications, des feux ou des lampadaires dits intelligents!

Le rôle des TI gouvernementales

Dans le domaine des villes intelligentes, le rôle des TI gouvernementales (ou municipales) est cependant essentiel pour :

  1. soutenir les élus et les citoyens de manière à fournir ou développer des outils pour répondre aux besoins qui précèdent
  2. appuyer les unités d’affaires et les citoyens en implantant des outils qui vont les aider dans leurs opérations ET améliorer la prise de décision et la transparence. C’est à ce niveau que l’on va retrouver certain ‘’nouveaux’’ outils technologiques comme l’intelligence d’affaires, l’intelligence artificielle et l’Internet des objets.  Ces outils ne doivent pas déterminer les axes de développement des villes intelligentes mais appuyer les humains qui les décident;
  3. réguler les marchés de solutions technologiques d’abord en utilisant des standards ouverts en approvisionnement (pour éviter le menottage contractuel) mais aussi éviter certains modèles d’affaires nuisibles aux citoyens (par exemple, ceux qui s’empareraient des données de ces derniers ou des systèmes privés installés sur le domaine public qui, pour des fins commerciales, ‘’espionneraient’’ les comportements de nos concitoyens sans leur consentement éclairé.

À chaque ville sa couleur

Les décideurs de toute ville qui souhaite se lancer dans l’implantation d’une ville intelligente devrait, selon mon expérience, retenir les points suivants:

  1. chaque ville intelligente a sa couleur, i.e. que les problèmes à résoudre vont varier de Barcelone, Toronto ou Montréal. La démarche commune à suivre est de consulter largement (et avec le plus d’ouverture possible) la société civile. Il n’existe pas de recette et encore moins de plateforme informatique de ville intelligente (voir la définition de fumiciel);
  2. les questions éthiques (protection de la vie privée et des libertés) et de sécurité devraient vous préoccuper dès le début, de même que la propriété des données émises par vos éventuels capteurs.Sur ce dernier point, nous avons fait plusieurs choix : toute donnée est publique par défaut; toute donnée produite par un département (incluant celles de la sécurité publique) est la propriété de la Ville et la Ville ne cède jamais la propriété intellectuelle de ses données.

Lectures utiles